top of page

Quatre enseignements sur la photographie

  • Photo du rédacteur: Oriane
    Oriane
  • 19 sept.
  • 4 min de lecture

L’art de capter l’instant, vu par trois photographes et une exposition, ça donne quoi ? Un mélange de regards, d’enseignements et d’histoires que je vous propose de découvrir ensemble.



Juillet 2025, au musée de l’Orangerie. Je suis encore dans la salle des Nymphéas quand une question me traverse : est-on toujours passif devant une œuvre d’art ? L’exposition temporaire qui termine ma visite me montrera qu’il existe des esthétiques plus déstabilisantes que d’autres.  


« Dans le flou » présente une autre vision de l’art, de 1945 à nos jours. Tableaux et photographies se succèdent devant mon regard mis à l’épreuve. Le flou est partout, donnant aux œuvres un champ d’interprétations immense. Je sens mes yeux et mon esprit en manque de repères. C’est étonnant, ce besoin de faire une mise au point. Mes modes de perception recherchent le tangible. 


Et si, pour une fois, j’explorais l’insaisissable, le trouble, le mouvement, l’indéterminé, l’allusion, l’instable comme le signe de la subjectivité de son auteur ? Que je n’attendais pas l’accès direct à la réalité, la vision nette pour commencer la quête d’identité ?


L’exposition m’aura appris en tant que visiteuse à être active devant une œuvre et, en tant qu’artiste à prendre par la main le regardeur, tout en l’invitant, avec malice, à se détacher des certitudes du visible.   


***


C’est en consultant le journal de la ville de Montrouge (le Montrouge Mag n° 187 - été 2025), que j’ai découvert Pascal Hausherr. Montrougien depuis 2016, il s’est spécialisé dans la reproduction photographique d'œuvres d’art et d’objets. Il réalise également des portraits en studio ou in situ pour des particuliers, des entreprises et des événements.


L’enseignement que j’ai retenu : il n’y a pas qu’une seule manière de faire de la photographie, et plus largement de l’art. 


La singularité de Pascal Hausherr lui vient de sa façon de considérer le sujet comme un prétexte pour saisir le réel, le monde extérieur. Là où d’autres artistes le voient comme un problème à résoudre, Pascal Hausherr ne se pose pas la question du sujet. Le monde tangible est mis à distance et ainsi, plus subjectif. Ce qui compte, c’est l'harmonie de l’ensemble et comment tirer avantage de la lumière. Dans ses scènes photographiées, aucune hiérarchie entre les personnages et les éléments les entourant. Les points de départ de ses récits se trouvent dans un mot, un titre, une intention. 


***


L’enseignement de Pascal Hausherr ressort d’autant plus que, 30 ans avant lui, Robert Doisneau avait une conception différente de ce que le sujet apportait à son art. 


C’est au musée Maillol, en juin 2025, que Robert Doisneau (1912-1994) a impacté ma vision sur la photographie. L’exposition « Instants donnés » présente une sélection de 400 clichés de l'œuvre léguée du photographe, éclairés par des citations, des documents et des archives audiovisuelles.


S’il y a bien une leçon à retenir du travail de Robert Doisneau, c’est qu’il ne faut pas craindre des ruptures de style : l’artiste voit son art évoluer au gré du temps et des contextes, porté par sa capacité d’adaptation et la constance de son apprentissage. 


Autodidacte, Robert Doisneau sait habiter le monde avec un regard humaniste et un supplément d’âme dans ses photographies. Sa patte s’est développée au fil des évolutions de la société, mais aussi de ses rencontres et de ses commandes. Il n’a pas eu peur de faire des pas de côté : « Mon cheminement a été tâtonnant, animé par les attirances et les répulsions, ballotté par les événements, laissant à l’intuition la part belle et même un peu rebelle. » écrit-il dans son livre Trois secondes d’éternité. 


Pour lui, la technique est un sujet à proscrire. Il se veut proche de son sujet pour le dépeindre avec compassion. Quand il prend du recul, c’est pour révéler le décor. Si son art évolue continuellement, Robert Doisneau est finalement resté tout ce temps un chroniqueur du réel et un poète de l’instant.


***


Elle s’est adonnée à sa passion de la photographie quotidiennement sans jamais rien montrer. Vivian Maier (1926 - 2009) est une autodidacte franco-américaine, restée inconnue de son vivant. C’est en 2007, à Chicago, qu’un jeune agent immobilier se fascine pour un lot de photographies qu’il décide d’acheter aux enchères. Il retrouve peu après leur auteur qui n’est d’autre que Vivian Maier


Derrière elle, 143 000 clichés et 50 ans de sa vie dédiés à photographier ses lieux quotidiens. Nanny de profession, Vivian Maier est très curieuse. Ses scènes photographiées suggèrent qu’elle aime prendre ses sujets sur le vif, qu’ils se trouvent dans des quartiers huppés ou défavorisés. Elle a un sens de la composition, des couleurs et du cadrage, de même qu’une grande inventivité.


Ce qu’elle m’apprend ? Que la photographie est avant tout un acte de révélation du monde, plus que de révélation au monde.


La découverte de son œuvre, restée cachée toute sa vie, montre que la valeur d’une image ne dépend ni de la notoriété de son auteur, ni de son intention d’être vue, mais de la sincérité du regard qu’elle porte sur le réel.




De ces quatre enseignements, je garde une certitude : la photographie ne dit pas le monde, elle le questionne. Et si, à notre tour, nous apprenions à regarder autrement — à accepter le flou, à accueillir la lumière et à chercher la poésie de l’instant ?




© Oriane Delcourt (illustration)




Commentaires


bottom of page